
Collectionneur d'art ou d’objets d'exception : En connaissez-vous la provenance ?
December 19, 2016
Ecrit par Yannick Daucourt
Directeur régional, Fine Art & Specie, EMEA, AXA XL
Peu après le décès d'Elizabeth Taylor en 2011, sa collection de bijoux, de vêtements et d'œuvres d'art a été vendue aux enchères. Toutes les pièces ont trouvé acquéreur, rapportant en quatre heures environ 103 millions de livres sterling –bien plus que les estimations ! Quelques mois plus tard, sa collection d'œuvres d'art, qui incluait des tableaux de Van Gogh, Degas et Pissarro, a rapporté 13,8 millions de livres sterling, soit plus du double des estimations.
Des acheteurs consentants
Comment la valeur d'une œuvre d'art ou d'un objet d'exception est-elle donc déterminée ?
« Elle correspond au prix qu'un acheteur consentant est disposé à payer à un vendeur consentant dans le cadre d'une transaction libre et sans entrave. » Voilà pour la définition théorique. C'est également la vision généralement adoptée par les assureurs confrontés à l'évaluation d'œuvres d'art et d'objets d'exception.
De nombreux facteurs peuvent influencer le prix qu'est prêt à payer un amateur, que l'objet en question soit acheté lors d'une vente aux enchères, dans une galerie ou directement auprès de l'artiste.
L'évaluation d'une œuvre d'art est déterminée dans une large mesure par la notoriété de l'artiste et l'historique des ventes récentes. Dans le cas de bijoux, les matières premières utilisées jouent également un rôle dans l'établissement de leur valeur : le poids des métaux précieux, par exemple, ou la taille et la qualité des pierres. La marque peut aussi avoir son importance ; par exemple, deux bagues en diamant identiques en tous points pourraient être valorisées à des prix diamétralement différents en raison du prestige relatif de leur marque. Les considérations historiques et culturelles peuvent elles aussi avoir un impact positif sur l'attrait d'une pièce de collection, quelle qu'elle soit.
L'importance de la provenance
La provenance d'un objet entre également en jeu –parfois de manière considérable.
Par provenance, il faut entendre la chronologie de la propriété de l'objet, de sa préséance lors d’expositions importantes ou de mentions dans des catalogues d’exposition. Bien que le concept soit pertinent dans d'autres domaines –notamment l'archéologie–, les documents attestant de la provenance des œuvres d'art servent à confirmer l'authenticité d'un objet, et à certifier que celui-ci n'ait pas été volé ou modifié. Ces rapports aident également à fournir une preuve contextuelle et circonstancielle de sa production d'origine ou de sa découverte, et à retracer autant que possible son histoire. Les pièces dont la provenance est prestigieuse se vendent souvent plus cher que des objets –en théorie– similaires. Les collectionneurs se détourneront d’œuvres de provenance douteuse.
Cette documentation peut prendre différentes formes : du simple « certificat d'authenticité » appliqué à l'arrière d'un tableau aux articles savants étayés de références historiques détaillées, en passant par des analyses scientifiques.
L'intérêt de la provenance a deux dimensions : la nature et la qualité. L'une comme l'autre peuvent faire la différence dans l'évaluation d'un objet et les résultats des ventes.
Les cotes sont souvent plus élevées pour des objets qui ont une histoire hors du commun ou qui ont appartenu à des personnes célèbres. Les œuvres qui ont été présentées lors d'expositions temporaires majeures et illustrées dans des catalogues seront également évaluées à un prix plus élevé car leur légitimité et leur importance dans l'œuvre de l'artiste sont renforcées.
En revanche, lorsque la provenance d'un objet est incomplète ou de mauvaise qualité (par exemple si la traçabilité de sa propriété comporte des lacunes importantes, ou si des questions se posent quant à l'identité de son auteur), sa valeur va généralement diminuer.
Les nombreuses photos d'Elizabeth Taylor portant ses bijoux prouvent qu'elle possédait effectivement ces chefs-d'œuvre, et l'aura de l'actrice a une influence directe sur la prédisposition d'acheteurs consentants à payer le prix fort pour les obtenir.
En revanche, l'acquéreur d'un des plus célèbres pendentifs de la star a annulé la vente après avoir appris que son appartenance antérieure, présumée à un empereur moghol, ne pouvait être confirmée. Dans le cas présent, l'attrait du bijou est renforcé parce qu'il a appartenu à Liz Taylor, mais sa valeur est réduite en raison de doutes concernant ses propriétaires précédents.
Une ombre au tableau
Vu l'impact que peut avoir la provenance d’un objet sur sa valorisation, il n'est pas surprenant que des vendeurs sans scrupules déploient parfois beaucoup d'efforts pour établir une provenance apparemment prestigieuse, en particulier pour des faux attribués à des artistes de renom.
De 1994 à 2008, la Galerie Knoedler, à l'époque la plus ancienne et la plus respectée des galeries new-yorkaises, a vendu une quarantaine de tableaux attribués à des artistes d'après-guerre de premier plan tels que Mark Rothko, Jackson Pollock et Willem de Kooning. Ces tableaux venaient soi-disant de la collection d'un mystérieux collectionneur suisse connu sous le nom de « M. X. ». On comptait parmi les acheteurs plusieurs figures de Wall Street et le PDG de la salle des ventes Sotheby's.
Ces peintures avaient en fait été réalisées par un artiste chinois inconnu, employé dans un garage du Queens, NY. Le scandale fut découvert lorsque l'acquéreur d'un tableau attribué à Rothko a émis des doutes quant à la documentation que lui avait fournie la galerie. Par la suite, l'enquête révéla que ni Christopher, le fils de l'artiste, ni aucun des experts en art qui prétendaient que la pièce était authentique n'avaient autorisé la galerie à utiliser leur nom. Christopher Rothko a même témoigné en justice, certifiant qu'il n'avait « jamais » authentifié les peintures de son père.
Alan Bamberger, consultant et conseiller artistique établi à San Francisco, auteur du livre The Art of Buying Art, déclare qu'il ne faut « jamais faire une enchère ou acheter une œuvre d'art sans savoir d’où elle vient ». Il souligne aussi que, quelles que soient les informations fournies, elles doivent être vérifiées. Toute lacune dans l'historique de l'objet doit donner lieu à une enquête et être soumise à des experts. Comme l'indique Alan Bamberger : « la provenance est un fait, pas une supposition ».
Il invite également les acquéreurs à être particulièrement méfiants en ligne, lorsqu’un vendeur n'accepte d'indiquer la provenance de l'objet qu'au plus offrant, après la clôture de la vente. « Si vous ne pouvez pas connaître la provenance, ne faites pas d'offre et n'achetez pas. Un point c'est tout. » L'expérience lui a appris qu'en règle générale, si un vendeur est réticent à indiquer d'emblée la provenance d'une œuvre, il y a anguille sous roche.
Comment atténuer les risques ?
Acquérir et posséder une collection est une expérience d'une immense satisfaction. Découvrir un objet unique et qui vous touche particulièrement peut susciter une forte réaction émotionnelle.
Mais cet enthousiasme n’est pas sans risques.
En plus de l’importance d’en confirmer la provenance, une œuvre d’art, comme tout objet de collection, doit être protégée contre le vol et les éventuels dommages qui peuvent survenir, notamment lors de son transport. Il est donc crucial de la protéger de manière adéquate.
Provenance et « FAME »
Plusieurs ventes au cours des derniers mois ont mis en évidence le fait que la provenance d’une œuvre d’art exerce une influence considérable sur sa valeur.
Les héritiers de David Bowie ont récemment vendu aux enchères plus de 400 œuvres de sa collection personnelle d'objets d'art. Bowie était un collectionneur averti, et la pièce la plus précieuse mise en vente était une peinture de Jean-Michel Basquiat, achetée en 1995 pour 78 500 livres sterling. La salle des ventes estimait, avant l’enchère, que le tableau valait 3,5 millions de livres. Il a pourtant trouvé acquéreur pour la somme de 8,8 millions de livres.
Quelques semaines plus tard, c’est la fameuse robe de Marilyn Monroe, immortalisée par la chanson Happy Birthday, Mr. President, qui a été vendue pour 4,8 millions de dollars –un record pour un vêtement. La robe avait été portée lors d’un événement pour le 45e anniversaire du président américain John F. Kennedy au cours duquel Marilyn avait poussé la chansonnette. La légende veut que la robe ait été si serrée que ses créateurs aient dû la coudre directement sur la star.
Sources:
Art Provenance: What It Is and How to Verify It (n.d.)
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